La littérature n’intéresse à peu près personne.

 

    C’est bien normal : il ne s’étale aux yeux du pauvre monde que l’école moribonde des « classiques » et la manne désolante des « nouveautés » ; anciens jeunes et nouveaux vieux, bourgeois ou embourgeoisés, professoraux, bibliothéquisés… De ces cadavres, on n’attrape que les idées-reçues qui volent au-dessus comme des mouches : Intimité, Sentimentalité, Famille… À vous dégoûter de lire quoi que ce soit, de peur de bourdonner du même ronron que ces Anges de la Déjection.

 

    Mais elle nous intéresse, nous.

 

    Parce que loin du monde, dans le monastère défroqué de la Littérature, errent encore quelques Saints réprouvés. Et nous voilà, à vouloir sauver ce qui peut l’être encore des griffes de l’Académie de la Banalité, extirper de toute récupération, quand c’est encore possible, les solitaires qui traversent en furie l’océan tiède des lettres, morts ou vivants, purs ou impurs, imbéciles ou génies. Nous croyons encore qu’une seule page lue au moment suprême peut faire basculer un individu du désespoir à la vie, et une société de l’indifférence à l’insurrection./p>

 

    Romantiques invocations que vous auriez tort de balayer d’un demi-sourire : car l’autre moitié de ce sourire est une grimace d’impuissance.

 

    Il y a des voix et des styles qui ont hurlé dans le vide de leur postérité et hurlent encore dans les geôles de leur Panthéon. Il y en a aujourd’hui qui se perdent dans les champs et les caniveaux — chiens sans meute, rats sans famille ! Il y a celles qu’on entendit un jour et qu’on oublia le lendemain ; celles qu’on croyait entendre, mais auxquelles on ne comprenait rien. C’est précisément parce qu’on ne les a pas entendus, ou qu’on ne les entend pas, que ce qu’ils ont eu à dire demeure inédit.

 

 

    Les éditions Lou Blondin participent à l’œuvre de réévaluation des marges de l’histoire littéraire. De toutes les marges, autant que possible : du poète anarchiste chrétien au métaphysicien hermético-fasciste, du bon-à-rien accidentellement génial au génie volontairement raté ; tout ce qui peut heurter le cœur, alimenter l’inconscient, embrouiller l’intelligence, confondre l’idée-reçue, est bienvenu chez nous. On s’y efforcera de faire honneur à ceux qui tombèrent au combat, sans hagiographie hypocrite ni pompe universitaire.

 

     Nous cherchons, nous cherchons… Dans les anthologies, les archives, les encyclopédies, quelqu’un qui puisse convaincre cette planète que la littérature est encore vivante. C’est du côté des morts que nous cherchons. Non que nous doutions des vivants : mais ils sont plus chers à entretenir. Cela viendra aussi.

 

     Notre métier, fondamentalement, est de donner un corps à un texte. Les Éditions Lou Blondin sont moins une maison d’édition qu’une chartreuse d’édition : nous y imprimons les livres nous-mêmes, nous les relions, nous les fabriquons entièrement, du concept à la matière. Chaque livre est un objet unique, avec ses défauts particuliers, les quelques taches qui le distinguent, sa fermentation à lui… Autant que possible, nous déstandardisons le livre, les œuvres, la critique…

 

    Une fois le texte incorporé, sorti de son Éden, il faut le vêtir… C’est à cet usage que se destinent les préfaces, notes, introductions biographiques que nous produisons : sans méthode, sans pincettes, toujours en s’adaptant au texte, au ton du texte, pour ne pas l’arracher à son auteur. Chaque « appareil critique » doit être fidèle à l’auteur, pour permettre au lecteur de le comprendre littérairement, plus encore qu’intellectuellement.

 

    Les Éditions Lou Blondin sont une ZAD éditoriale. On n’y prendra pas les lecteurs de haut, ni on ne les y prendra pour des idiots. Le lecteur, en échange, nous donnera un peu d’argent, et fera l’effort minimal de compréhension qu’exigeront de lui les textes que nous lui présenterons.